| (Philippe
        Ulrich, Libération, Cahier Multimédia du 24.05.96) A l'occasion de ce premier texte de
        synthèse consacré à l'évolution du 2ème Monde -
        déjà six mois dexistence - , il ne me semble pas
        inutile de revenir à son Mythe Fondateur.  Je partirai pour ce faire des
        paroles de Philippe Ulrich rapportées dans le
        supplément multimédia de Libération (24.05.96) et du
        Monde (25.08.96), ainsi que du texte dAlain Le
        Diberder ouvrant la brochure de présentation.  En des styles différents, et en
        dépit de la recherche bien compréhensible dun
        effet dannonce destiné à susciter le désir et la
        curiosité de futurs Internautes, une "histoire
        des origines" nous y était donnée sous la
        forme dune confidence sincère : fruit dune
        soirée entre amis à limagination débridée,
        soirée que lon devinait agitée (située à la fin
        de 1993 selon P.U, au début de lannée 94 selon
        A.L...), lidée avait jailli dun projet un
        peu fou, aux bases potentiellement subversives.  Evoquant le réseau et ses
        capacités de contre-pouvoir, Philippe Ulrich déclarait
        vouloir "donner une piquouze à cette société pour
        quelle ne soit plus aussi plate", et
        "contaminer les jeunes par le virus
        informatique" afin de leur procurer les moyens
        dagir dans ce monde de réseaux à venir.  Après avoir ainsi appris que
        lun des pères fondateurs aurait vraisemblablement
        choisi, si il ny avait eu le rêve, "les armes
        et le maquis", le lecteur curieux découvrait, cette
        fois par la plume plus mesurée dAlain Le Diberder,
        que Régis Debray avait été le témoin principal de
        cette soirée tumultueuse...  Bref, le ton était donné: le
        2ème Monde ne serait pas seulement une interface
        graphique 3D ou un prestataire de services, mais un "simulateur
        politique" laissant aux citoyens une réelle
        autonomie, soit le creuset possible dune aventure
        on-line où le terme de communauté virtuelle prendrait
        peut-être sens. Entendons-nous: ce bref rappel
        na pas pour but de démasquer derrière des
        discours à lapparence sincère, fussent - ils dans
        leur nature promotionnels, des motivations qui le
        seraient bien moins, et donc de valider une certaine
        paranoïa ambiante voulant que les pères du projet aient
        proposé bien plus que ce quils étaient disposés
        à offrir.  Il veut plus simplement pointer que
        des paroles, et a fortiori dans cet espace saturé
        dimaginaire que représente Internet, ne sont pas
        sans effets, et que celles-ci ont légitiment provoqué
        dans le 2ème Monde ce qui pour linstant en fait à
        la fois la fragilité mais aussi selon moi
        lintérêt, à savoir des espoirs et des enjeux de
        pouvoir...  En regard des écrits et travaux
        consacrés, essentiellement outre-Atlantique, aux
        communautés virtuelles, lune des spécificité du
        2ème Monde - outre son "pari" 3D - semble en
        effet résider dans les conséquences de cette promesse
        faite à des citoyens virtuels : proposer un ailleurs
        nétait pas après tout chose très difficile ;
        mais sengager à ce que son évolution dépende
        pour une large part des propositions et des interventions
        de ses participants, était bien évidemment
        sexposer à quelques "retours".  Disant cela, je ne pense pas
        uniquement aux débats souvent houleux de la poignée de
        citoyens participant à la liste du même nom et/ou à la
        liste-améliorations, ni ne néglige cette terre nouvelle
        que tous saccordent à considérer comme une
        réussite, à savoir Potinland : si la séparation du
        2ème Monde en un pôle ludique ou récréatif et un
        autre plus sérieux, car politique contient une part de
        vrai, elle reste cependant schématique, voire peut
        devenir suspecte lorsquelle a pour fonction de
        diviser les gens en ludions insouciants ou trouble-fête
        se prenant au sérieux.  La part de jeux nest pas
        absente des provocations, polémiques, alliances et
        rivalités, qui pour le pire comme pour le meilleur
        occupe une part importante du contenu des débats
        politiques; inversement, un joyeux drille féru
        dinformatique capable dexpliquer à tous
        comment remplacer les placards publicitaires par des
        images de son choix, ou un autre embauché finalement par
        une équipe impressionnée par son aisance en
        programmation ou dans lélaboration de pages web,
        posent quils le veuillent ou non les questions de
        pouvoir... Pour conclure: le 2ème Monde,
        comme toute communauté virtuelle, peut relever
        dune enquête de type ethnographique. Mais plutôt
        que dévoquer ici les modalités de cette dernière
        et les spécificités éventuelles dun terrain dit
        virtuel, je trouvais préférable de dégager ce qui
        semblait faire de ce monde un "objet"
        dune nature particulière. Le rappel, en ce sens,
        des attentes légitimes suscitées par son "mythe
        fondateur", ainsi que linfluence plus
        générale de CANAL PLUS, me semblaient aptes à dégager
        la nature encore ambiguë de cette communauté à venir.
        Espace de rencontres entre soi se détournant peu à peu
        (et lair de rien) de ces désirs premiers
        dexpérimentation et dautonomie; ou
        communauté maintenant au contraire, passée une initiale
        et compréhensible mise à lépreuve, le projet qui
        lavait attirée: cette alternative, posée de
        diverses manières mais de façon concrète par les
        "citoyens" eux-mêmes, nest plus
        aujourdhui théorique. Benoît Quirot Entretien:
        Deuxdemisphoto: Gyrus
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